Pourquoi l’artiste Damien Hirst se sert-il des médicaments pour faire des œuvres d’art ?

Fabian Charles
3 min readAug 30, 2021

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Day by day, Damien Hirst, 2003.

“Les Cathédrales Bâties sur le Sable” est un grand titre pour l’expo de Damien Hirst qui se tient actuellement à la galerie Gagosian à Paris. Pourquoi l’artiste Damien Hirst se sert-il des médicaments pour faire des œuvres artistiques ?

Lorsque j’ai visité l’expo près de l’avenue Matignon dans le 8ème arrondissement de Paris, j’étais épaté par l’organisation de la galerie autour de la présentation de plusieurs cadres avec des médicaments bien rangés qui étaient là pour être contemplés plutôt que d’être utiles.

D’emblée, la question de l’art et de l’utilité est à nouveau posée. Damien Hirst n’est pas à proprement parler un défenseur de l’art pour l’art, l’art sans utilité pratique, mais ce n’est pas un artiste engagé non plus comme son compatriote Banksy pour qui l’art peut servir à un engagement politique.

Toutefois, ces œuvres posent aussi des problèmes de société et résonnent particulièrement dans ce moment où le Covid fait rage et que le problème de la prise de médicament contre cette maladie est posé, avec l’hydroxychloroquine, proposé par l’infectiologue Didier Raoult comme celui de la prise des vaccins mais plus globalement celui de la médecine et de son effet sur la santé humaine qui peut être aussi nocif.

Les gens se posent beaucoup de question aujourd’hui sur la médecine et répondent ainsi à cette phrase de Damien Hirst qui dit : “I can’t understand why most people believe in medicine and don’t believe in art, without questioning either.” ou en français “Je ne peux pas comprendre pourquoi la plupart des gens croient en la médecine et ne croient pas en l’art, sans questionner ni l’un ni l’autre”.

Ce que Damien Hirst cherche en présentant ces médicaments comme œuvre d’art est que nous méditons sur notre rapport à la médecine qui envahit de plus en plus notre vie et que nous méditons aussi sur le problème de la vie et de la mort qui est précipitée ou ralentie par ces médicaments.

Et ceci dans une désormais longue tradition contemporaine initiée par Marcel Duchamp et la présentation de son Urinoir qui invite le spectateur a se poser ses propres questions sur ce qu’est une œuvre d’art et ce qui ne l’est pas.

Ces médicaments présentés comme œuvres d’art par Damien Hirst interpellent le regard des spectateurs qui sont conduits à une longue méditation sur l’exposition de ces pilules qui sont présentées comme des œuvres d’art hors de leur utilité pratique et à destination desquelles est posée la question ouverte et qui demande une réponse propre et libre de chacun : Pourquoi des médicaments sont-ils présentés comme des œuvres d’art ?

Pour ma part, cette expo m’a rappelé les piles de médicaments que mon grand-père savait prendre en fin de vie et qui étaient organisées ainsi dans des paquets qui indiquaient le jour de la prise de médicament et la posologie.

C’est ce qui m’a révélé que ces œuvres nous rappellent l’amour familial et ce que des êtres chers peuvent représenter pour nous dans les moments difficiles comme celui de la fin de la vie.

Un artiste comme Damien Hirst qui ne se veut pas socialement engagé est trop souvent négligé par rapport aux questions philosophiques qu’il pose tout de même à la société sur ce qu’est la mort et la vie et sur notre condition humaine ou animale.

Et nous aurons encore beaucoup à écrire sur certaines œuvres de cet artiste britannique qui ne marque pas son temps sans raison.

Fabian Charles

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Written by Fabian Charles

Fabian Charles est écrivain et a étudié la philosophie à la Sorbonne. Il a publié deux livres de poésie et un roman.

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